ADRANA
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 Adrana

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Grhyll
Pianiste d'Adrana
Grhyll


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MessageSujet: Adrana   Adrana Icon_minitimeMer 11 Fév - 17:48

Alors voilà, certains d'entre vous le savent peut-être, un roman Adrana est en cours d'écriture ! Et pour vous chers auditeurs, voici l'introduction dudit roman :




Introduction


Les nuages se rassemblaient au-dessus de Prusias.
Le vent projetait la pluie en rafales glacées sur les ruines de la cité, dessinant au milieu des décombres des rigoles de boue. Les gouttes s’écrasaient sans discontinuer dans les larges flaques qui comblaient les creux du pavage créés par de violentes explosions ; l’eau s’infiltrait dans les cadavres qui jonchaient le sol, gonflant la chair, lavant les vêtements du sang qui ne pénétrait plus la terre. Cà et là, la pierre avait pris une teinte pourpre qu’elle allait conserver jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que poussière.
Quelques poches de combat subsistaient encore par endroit, mais les combattants étaient extenués, démoralisés par la désolation qui régnait sur la ville. Les perdants se battaient avec l’énergie du désespoir, épuisés par la bataille incessante qu’ils livraient depuis plusieurs jours à présent ; les gagnants, malgré leur victoire, la victoire de leur cause, savaient qu’eux-mêmes n’avaient guère de chance de s’échapper vivants de ce bourbier infernal. Et pour toutes ces raisons, les survivants luttaient avec une férocité surhumaine, celle que seuls connaissent ceux qui n’ont plus rien à perdre, tentant seulement d’emporter le plus d’adversaires possible avec eux dans la tombe.
La pluie conférait à la scène une ambiance triste et anonyme, uniquement troublée par les quelques hurlements des blessés et les coups de tonnerre qui résonnaient à intervalles irréguliers au-dessus des bâtiments dévastés. Par endroits, la magie que le combat dégageait maintenait suspendues en l’air les pierres de voûte d’arches dont les fondations s’étaient écroulées. Des maisons avaient vu leur rez-de-chaussée rasé, et malgré cela le premier étage continuait de flotter dans le vide, comme hors du temps, ses façades éventrées, son plancher troué et le toit percé. Prusias toute entière était couverte d’un voile mystérieux s’étendant sur chaque détail, donnant au moindre objet une allure étrange et inquiétante. Une sourde lueur rouge englobait les ruines et ajoutait à la fureur des derniers combattants.
A plusieurs lieues de là, un cheval galopait vers la cité, les naseaux fumants, la bave aux lèvres. Ses yeux étaient agrandis par l’épuisement et la douleur provoquée par les coups de talons que lui donnait son cavalier. Saneday lui-même ressentait dans sa propre chair chacun des coups qu’il portait à sa monture, mais l’urgence était trop grande pour prendre le temps d’être délicat, aussi, les sourcils froncés, continuait-il de la martyriser pour tenter de gagner quelques précieuses secondes. La pluie avait détrempé ses vêtements déchirés et nettoyé le sang qui coulait de sa blessure à la joue, et elle continuait de s’abattre sur lui, comme pour le freiner, mais il semblait aveugle au déchaînement des éléments autour de lui, seulement concentré sur le point sombre qui s’agrandissait lentement à l’horizon.
Bientôt il put distinguer les deux grandes tours marquant l’entrée de Prusias, dont les silhouettes sombres se distinguaient clairement sur la grisaille ambiante. La base de l’une d’elles s’était écroulée sous les vagues d’énergie qui avaient déferlées sur la ville au début de l’assaut, mais sa cime continuait d’offrir une résistance acharnée aux rafales de vent. Le regard acéré de Saneday lui permettait d’observer le moindre détail des cadavres avachis sur les rondes de gardes. Des larmes de rage se mêlèrent à l’eau de pluie qui ruisselait sur son visage et dans ses cheveux devant la désolation qu’avait connue sa ville. Il avait toujours su que cela finirait par arriver ; les Anges étaient allés trop loin dans leur règne, dans l’oppression qu’ils faisaient subir à trop d’autres peuples depuis leur cité tentaculaire. Mais Saneday avait espéré qu’il serait là lors de la bataille, et qu’il pourrait mourir pour eux, puisque c’était tout ce qu’il pouvait faire : il ne souhaitait pas voir les Anges gagner, car les atrocités qu’ils commettaient avaient déjà trop durées, mais ne pouvait pas pour autant se rallier à leurs adversaires, sa loyauté allant loin au-delà de ses idéaux éthiques. Il ne s’était jamais expliqué le contraste entre le raffinement des Anges et la cruauté dont ils pouvaient faire preuve envers les autres peuples.
Il s’aperçut qu’un campement avait été levé à quelque distance des ruines, où un régiment de soldats attendait d’être appelé à combattre ou, dans le meilleur des cas, que la bataille se finisse sans qu’on ait besoin d’eux. Les tentes couvraient une large étendue de terre, si bien que Saneday décida qu’il serait plus rapide de couper à travers que de contourner ces hommes. Il talonna de nouveau son cheval en lui insufflant sa magie pour l’aider à tenir. Les yeux de l’animal s’allumèrent d’une lueur verte, et son galop prit une nouvelle ampleur. Ses sabots semblaient à peine toucher le sol, le vent sifflait à ses oreilles, mais il n’était plus en état de prêter attention à ce qui l’entourait. N’existaient plus que la cible, Prusias, et un brouillard flou sur les côtés. Rapidement, la monture déboula dans le camp, passant comme une flèche parmi les hommes qui avaient à peine le temps de lever les yeux pour le voir passer. Un sourire hargneux naquit sur les lèvres de Saneday. Nul n’aurait le temps de s’interposer, et peut-être arriverait-il à temps au cœur de la cité pour sauver ce qui pouvait encore l’être.
Une patte de son cheval s’emmêla alors dans le cordage de l’une des tentes. La bête et son cavalier churent violement au sol et roulèrent sur plusieurs mètres en percutant des soldats qui somnolaient autour des feux. Des cris s’élevèrent aussitôt dans le camp, tandis qu’une tente entraînée par les intrus s’enflammait sur des braises encore rouges. Le désordre le plus total se mit à régner autour de l’incident ; certains tentaient d’organiser une chaîne pour éteindre le début d’incendie, tandis que d’autres essayaient simplement de savoir ce qui s’était passé. Quelques hommes se tenaient debout autour d’un monticule de tissu dont ne sortait pas le moindre son ; une autre tente avait arrêté la longue glissade de Saneday et de sa monture, et ils avaient à présent disparu sous la lourde toile. Quelques secondes passèrent sans que rien n’arrive, puis brutalement, un ours tout de crocs et de fureur bondit hors de l’abri écroulé en le lacérant, se jeta sur un homme qui bloquait sa route et qui périt dans la seconde sous l’assaut d’une violence inouïe, puis se mit à courir hors du camp vers Prusias. Nul ne tenta de l’arrêter, tout simplement parce que la scène s’était déroulée trop rapidement. Sous la toile de tente, le cheval s’apaisa enfin, mort de fatigue.
Bientôt l’ours fut hors du camp, à moins d’une lieue de Prusias. Ses yeux d’or brillaient intensément, d’épuisement et de colère. Saneday avait perdu de précieuses secondes et sa monture, et sa course présente risquait d’amoindrir encore un peu ses forces, ce qui n’était pas pour l’arranger. Malgré ces pensées qui tourbillonnaient dans son crâne, ses pattes ne fléchissaient pas, et les puissants muscles de son corps d’ours le propulsaient sans relâche vers son but. Les gouttes continuaient de s’écraser sur son pelage terni et sale, mais rien ne pouvait plus l’arrêter.
Une nuée de charognards prit son envol lorsque la bête pénétra dans l’enceinte de la ville. Un combattant, distrait par le passage de l’ours dans son champ de vision, se fit transpercer le foie par l’épée de son adversaire. Les griffes de Saneday cliquetaient bruyamment sur la pierre rougie par le sang, lorsque les pattes ne s’enfonçaient pas jusqu’à l’articulation dans de véritables mares de boue. Il projetait sans difficulté son énorme masse par-dessus les décombres, se faufilait dans les interstices entre les bâtiments écroulés, droit vers le Palais, au cœur de la ville. Sa frustration et sa rancœur envers le monde entier grandissaient à chaque pas, à chaque cadavre, à chaque bâtiment jadis magnifique et à présent en morceaux. Il aurait voulu que tout se passe différemment, que les Anges n’aient pas été de tels monstres, mais la nature profonde d’une race ne se change pas si aisément.
Enfin le Palais fut en vue. Il était gigantesque, à la hauteur de la démesure des Anges. Des sculptures aux détails sans fin en ornaient les murailles et les tourelles, qui auparavant se dressaient gracieusement vers les cieux, et qui à présent étaient pour la plupart décapitées et brûlées. Quelques flammes s’échappaient encore de certaines fenêtres, laissant sur les murs blancs de grandes marques noires et grises.
Un bruit de tonnerre s’échappa du bâtiment, dont une aile entière s’écroula en un instant dans un nuage de poussière. Saneday s’aperçut qu’un petit contingent de soldats attendait devant l’entrée principale, et qu’un combat devait encore se dérouler à l’intérieur, à en croire le bruit qui s’en échappait. Les soldats, l’air tendus, regardaient tous vers l’emplacement de la bataille, sans doute prêts à fuir si l’affrontement prenait trop d’ampleur.
Saneday sentit un regain d’énergie en se disant qu’il arriverait peut-être à temps pour accomplir son rôle. Il se retrouva en quelques bonds au niveau des soldats, dont la plupart n’eurent pas le temps de s’écarter pour éviter la masse de poils qui passait à toute vitesse. Quelques hommes furent projetés sur le côté, s’écrasèrent contre des pierres saillantes, et en quelques secondes à peine, Saneday eut traversé la troupe. Il ne s’arrêta pas pour contempler les dégâts causés par son passage et poursuivit sa course à l’intérieur du Palais. Il le connaissait parfaitement, et savait précisément où est-ce qu’il était attendu.
Des cadavres s’amoncelaient à chaque angle, qu’il s’agisse de ceux, innombrables et tous différents, de l’armée de Thoed, ou bien des gardes royaux qui avaient fini par périr sous la masse, malgré leur puissance effroyable. Leurs armures entachées de sang, cabossées, servaient maintenant de linceul doré à ceux qui avaient été les plus hauts défenseurs des monarques du Ledoras. De grandes salles de réception avaient subi de plein fouet les assauts magiques, et des frises complexes qui en ornaient les murs ne restaient que quelques gravas où de grossiers reliefs se distinguaient encore vaguement par endroit. Les colonnes qui soutenaient le plafond avaient vu leur base rasée, le mobilier de Bois Sombre était brisé, réduit en esquilles pour la plupart carbonisées. Le gâchis était incommensurable, mais il en était toujours ainsi quand un peuple opprimé se révoltait. Il fallait faire table rase pour avoir la chance de repartir à zéro.
Malgré tout, la frustration de Saneday grandissait à chaque pas. Puisque le peuple des Anges s’était de toute façon condamné, il aurait au moins voulu que toutes leurs richesses, toute leur culture soient sauvées. Il se dirigeait vers l’épicentre magique, le seul endroit dans Prusias d’où des vagues d’énergie continuaient de déferler. Il espérait ardemment que le combat n’avait pas encore gagné le temple sacré, où se trouveraient sûrement les derniers survivants de la famille royale.
Au fur et à mesure qu’il progressait dans le palais, les cadavres de l’armée de Thoed étaient de moins en moins nombreux, tandis que le nombre d’Anges éviscérés augmentait. Sans doute les troupes de bases n’avaient elles qu’à peine pu parvenir seules jusque là, contraignant Thoed à se déplacer lui-même au cœur du bâtiment. Saneday grimaça lorsque son esprit évoqua le nom de son adversaire. Une colère sourde grondait en lui, et ses doigts se crispaient, menés par une irrépressible envie de serrer le cou de son ennemi jusqu’à son dernier soupir…
Il sentit que le combat était à présent tout proche, si proche qu’il s’étonnait de ne pas le voir encore. Une paroi sur sa droite fut alors soufflée par une violente explosion, et Saneday fut entraîné au sol par les gravas. Il se releva aussitôt, pour observer les deux combattants qui menaient une lutte acharnée au centre d’une ancienne salle de bal. Des pulsions meurtrières surgirent en lui, et il dut se contrôler avec toute la fermeté dont il était capable pour ne pas se jeter sur celui qui avait détruit Prusias.
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Grhyll
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MessageSujet: :)   Adrana Icon_minitimeMer 11 Fév - 17:48

L’affrontement cessa un instant, durant lequel les deux adversaires dévisagèrent l’ours-garou. L’épuisement se lisait sur le visage du Roi, mais une sorte d’espoir inespéré était apparu au fond de ses yeux en apercevant Saneday. Au contraire, l’apparition du nouveau venu avait fait naître sur les traits de Thoed une expression de rage incontrôlable. Il tenta de se jeter sur cette proie apparue de nulle part, mais le Roi bondit et mit son épée en travers de sa route, l’obligeant à poursuivre leur duel. Saneday capta le coup d’œil de supplique que lui lança son monarque, acquiesça, et reprit sa course vers le temple, laissant bien à contrecœur son Roi sans aide et son ennemi en vie. Le premier était trop fatigué, trop usé par la bataille, et le second était trop puissant ; l’issue de la bataille ne faisait aucun doute, mais le but n’était que de gagner du temps pour mettre à l’abri ceux qui pouvaient encore l’être.
Rapidement l’intensité du son produit par le choc des épées diminua dans le dos de Saneday. Son cœur était déchiré par le sacrifice qu’il laissait ainsi son Roi commettre, mais il n’avait guère le choix. Il pouvait faire mieux qu’aller mourir à ses côtés, et sa loyauté lui ordonnait de réaliser tout ce qui était en son pouvoir pour respecter les dernières volontés de ceux qui étaient morts et allaient mourir aujourd’hui.
Enfin, l’évolution des fresques murales marqua l’approche du temple. Ces quartiers-ci étaient en meilleur état, bien qu’on y trouvât pas non plus âme qui vive. Quelques dépouilles de prêtres jonchaient le sol, mais opposer une quelconque résistance n’avait jamais été une de leurs compétences, aussi le nombre de cadavres ennemis était-il extrêmement bas. Cependant, à l’angle d’un couloir, Saneday découvrit un important charnier où reposaient plus d’une vingtaine de gardes de Thoed, et à côté duquel chuchotaient une dizaine d’autres, vivants. C’est là que s’était retranchée la Reine, et elle vendait très chèrement sa peau. Saneday sourit et continua à courir. Ses adversaires ne se retournèrent qu’au tout dernier instant, tout juste pour voir scintiller les griffes de l’ours. En quelques secondes à peine, tous étaient morts dans l’étroit couloir, sans avoir eu le temps ne serait-ce que de mettre l’épée au clair. Leur bourreau reprit forme humaine, du sang plein les mains et le visage, puis s’avança dans le couloir suivant, qui débouchait sur une salle immense, soutenue par de hauts et robustes piliers, et dont les murs étaient ornés de sculptures d’un réalisme saisissant. Au fond se trouvait Eglaenare, la Reine des Anges, campée dans une attitude de défi devant un berceau d’or. Son visage était crispé d’angoisse, ses mains serrées avec force sur le manche d’une double hache faite d’un métal plus robuste que tous les alliages dont les Nains n’avaient ne serait-ce que rêvé. Néanmoins, aucun muscle ne tremblait ; les jointures de ses doigts avaient blanchi sous la pression qu’elle y maintenait. Ses traits royaux montraient qu’elle irait jusqu’au bout pour défendre ce à quoi elle tenait.
Une vague de soulagement la parcourut lorsqu’elle aperçut Saneday. C’était la première bonne nouvelle qui lui arrivait depuis le début de la bataille, trois jours plus tôt, et elle se serait volontiers laissée aller à s’effondrer si une légère étincelle de suspicion n’avait pas subsisté au fond de ses yeux mordorés. Son serviteur s’avança vers elle aussi respectueusement que la situation le lui permettait. Une fois qu’il fut au niveau de sa Reine, il se contenta de la regarder dans les yeux, et la soutint quand elle s’effondra dans ses bras. On pouvait contrefaire énormément d’un homme, mais Eglaenare avait appris que les yeux ne mentaient pas. Un simple échange de regards lui avaient toujours suffi à savoir où se trouvait son camp, et jamais elle ne s’était trompée, y compris devant les attaques les plus habiles.
Et puis, aussi vite qu’elle s’était laissée aller dans ses bras, elle se releva avec dignité, mais ses yeux ne mentaient pas non plus : elle se savait perdue, et avait l’intention de se battre jusqu’au bout pour sauver le peu qui pouvait encore l’être.
Elle ne prit même pas la peine de parler, et mit son doigt devant la bouche de Saneday quand il essaya de la réconforter. Elle se contenta de lui montrer le berceau derrière elle, où reposaient ses jumeaux, tranquillement endormis pour l’instant. L’ours-garou acquiesça, saisit les coins de la couverture dans laquelle était installés les bébés et les joignit pour faire une sorte de baluchon improvisé. Il jeta un dernier regard à Eglaenare, que son expression déterminée n’avait pas quittée. Elle saisit l’un des candélabres, le fit légèrement tourner, et le maintint ainsi jusqu’à ce qu’un autel s’écarte légèrement, dévoilant un passage dans le sol.
Saneday aurait voulu aider sa Reine, lui parler, mais il savait que le temps était sévèrement compté, aussi s’engagea-t-il dans le passage avec les jumeaux, et ne se retourna pas lorsque l’autel reprit sa place habituelle.
Dans le temple, Eglaenare se laissa aller à un soupir de soulagement. Tout n’était certes pas fini, mais si déjà Adrana et Gabrielus pouvaient survivre, alors rien d’autre ne comptait vraiment. Elle poussa brutalement un long cri de douleur et tomba à genoux au milieu de la salle ; son mari venait de périr sous les attaques de Thoed. Elle sentait la disparition de son âme dans toute sa chair, aussi clairement que si on lui avait arraché un bras. Elle se permit quelques secondes de chagrin, puis se releva, de nouveau déterminée à aller aussi loin qu’elle le pourrait. Un feu farouche brûlait dans ses pupilles d’or, un feu royal et magnifique. Thoed approchait, et il fallait gagner du temps. Il ne devait pas avoir les jumeaux.
Lorsque son ennemi pénétra dans la salle, Eglaenare lui fit face, sans crainte, les yeux seulement emplis d’une rage froide. Ce n’était plus simplement une Reine que Thoed affrontait, c’était une mère blessée avec la volonté de laisser à ses enfants une chance de vivre.

Les arbres défilaient dans un flou argenté autour de l’ours. Malgré la rapidité de sa course, le balluchon qui pendait dans sa gueule fumante d’écume n’était guère secoué. Emmitouflés dans d’épaisses couvertures, les deux jumeaux avaient les yeux ouverts sur la nuit de leur cocon, immobiles et sérieux, comme conscients de ce qui se tramait autour d’eux. Ils avaient légèrement remué, durant le voyage, lorsqu’ils étaient devenus orphelins. Des larmes de rage avaient coulé des yeux de Saneday, mais il ne s’était pas arrêté, car le temps de regarder derrière soi viendrait plus tard.
Pour l’heure, il filait entre les troncs à une vitesse inconcevable pour un animal de sa taille, esquivant avec légèreté tous les obstacles se dressant entre lui et les Bois Sombres. Il connaissait la forêt, et ce devait visiblement être réciproque, puisque les branches s’écartaient imperceptiblement de son chemin à son approche, les ronces s’aplatissaient, des trouées apparaissaient entre les cimes des arbres pour éclairer sa route. Derrière lui, les branches s’agitaient au contraire furieusement, les ronces se déployaient de toute leur hauteur et une obscurité pesante régnait. Malgré cela, les trois loups lancés à la poursuite des jumeaux ne perdaient pas de terrain sur leur proie.
La magie suintait de leurs corps gonflés ; leurs muscles puissants étaient presque mis à nu par endroit, rougeoyants, tendus ; leur fourrure était hérissée sur tout le long du dos, telle une crête d’un gris malsain ; leurs yeux fous tournaient sans cesse dans leurs orbites, comme s’il ne leur était plus nécessaire de voir ce qui était devant eux pour avancer. Ils bondissaient presque plus qu’ils ne couraient. L’un d’eux sauta sur le versant d’une falaise qui bordait leur route et continua sa course sur le support vertical, nullement incommodé par la gravité. Un autre se déplaçait plusieurs mètres au-dessus du sol, prenant appui sur les premières et fines branches des arbres. Jamais elles n’auraient du supporter son poids, mais pour une raison inconnue, il ne chutait pas. Le troisième restait au niveau de l’herbe, mais son corps était légèrement flou par moment ; il semblait disparaître brièvement pour réapparaître quelques mètres plus loin, sans que le regard puisse totalement certifier qu’il ne s’était pas trouvé dans l’intervalle entre les deux points, comme s’il avait été distrait, ou que le mouvement avait été trop rapide.
Une centaine de mètres devant, Saneday continuait de mettre tout ce qui lui restait d’énergie dans cette fuite éperdue. Ses coussinets étaient ouverts depuis bien longtemps, et malgré l’aide de la forêt, de larges zébrures rouges parcouraient ses pattes et son dos, infligées par des pierres ou des troncs d’arbres repérés trop tard. Il fallait vraiment que l’ours soit épuisé pour avoir pu recevoir ces blessures, et il l’était effectivement. Il n’avait pas pu prendre de repos en arrivant à Prusias, reprenant immédiatement sa route pour venir mettre les enfants en sécurité ici. Il n’avait aucune idée de ce qui se passerait ensuite, mais ce n’était pas le plus important. Il devait simplement les sauver, c’est là tout ce qu’il savait, et il n’y avait dans sa tête plus de place pour quelque autre idée que ce soit.
Il regarda brièvement le ciel piqueté d’étoiles. Légèrement en retrait, il repéra un aigle qui planait doucement au-dessus de la scène. Les yeux de cet aigle voyait bien plus que ceux d’un oiseau commun ; ils repéraient les trois loups malgré le couvert des arbres, trois puissants foyers de magie, des nids d’étincelles dorées qui fourmillaient et se dispersaient lentement derrière eux ; ils voyaient une large bulle incolore, indescriptible mais présente, autour de Saneday et des jumeaux : le destin en marche. Quelle que soit l’issue de cette course-poursuite, le monde serait profondément changé par les évènements de cette nuit, et ce bien au-delà de ce que les mortels s’imaginaient. La chute des Anges serait largement plus que le couronnement de la liberté pour les différentes races qui peuplaient Elhanor, mais rien encore ne l’indiquait, à l’exception des deux jumeaux emmitouflés dans leurs couvertures trempées par l’écume coulant des babines de l’ours.
Il y eut alors un changement dans l’atmosphère qui entourait les quatre coureurs. La brume au sol devint légèrement plus compacte et brillante, comme si les rayons de la lune s’y accrochaient avec plus de force. Les feuilles qui tombaient des arbres semblaient choir plus lentement, ralenties par une aura invisible. Les brins d’herbe argentés étaient pliés par un souffle impalpable, bruissant doucement sous la caresse de ce vent fantomatique. Derrière Saneday, un tourbillon de feuilles flottait quelques secondes, soulevé par son passage, pour se disperser ensuite avec une lenteur surréaliste. Dans le ciel, l’aigle prit de la hauteur, puis vira vers la gauche pour faire demi-tour ; l’ours-garou avait franchi les limites des Bois Sombres, les loups n’avaient plus aucune chance.
Saneday arriva dans une clairière, essoufflé mais sûr de lui. La pleine lune éclairait l’endroit d’une lueur omniprésente, découvrant chaque brin d’herbe, chaque insecte perché sur une fleur. Lorsque le premier des trois loups fut là, il s’arrêta. La piste s’arrêtait à cet endroit, il y avait quelque chose de particulier. Le second loup surgit des branches dans une cascade de feuilles et atterrit souplement au début de l’espace dégagé, en même temps que le troisième sortait prudemment son museau du couvert des arbres. Ils s’avancèrent avec circonspection vers le centre de la clairière, menés par une intelligence qui les dépassait nettement. A l’autre extrémité se trouvaient les couvertures où étaient cachés les jumeaux, posées au sol, telles une offrande, remuant encore légèrement sous l’assaut de leurs habitants.
Les loups repartirent, se mirent à trottiner vers leur cible, tout en jetant des coups d’œil inquiets autour d’eux. Alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de leur proie, il y eut une déchirure dans l’air et Saneday surgit de nulle part, abattant une énorme patte sur la tête du premier loup, dont la masse alla valdinguer plus loin, accompagnée d’un lourd craquement.
Les deux autres bêtes reculèrent d’un bond, le poil de nouveau hérissé, les babines retroussées, pleines de défi envers cet ours fatigué qui osait encore les défier. Saneday leur sauta dessus, se servant de ses pattes comme de deux battoirs implacables, lacérant les chairs, esquivant avec habileté les mâchoires qui claquaient autour de lui. Une griffe lui lacéra le côté du museau, lui arrachant un hurlement bestial de douleur, et d’un coup de dents il déchira le garrot d’un de ses adversaires. Le loup s’effondra au sol, parcouru de tremblements, et sembla se ratatiner sur lui-même, son corps tout entier exsudant la magie qui l’avait habité. Ses yeux se calmèrent, sa fourrure recouvra une teinte normale ; seuls ses muscles restèrent à fleur de peau, saillant crument des poils.
L’ours-garou se tourna vers son dernier ennemi, qui le toisait fixement. Sa queue fouettait l’air, ses pattes tapaient le sol à intervalles irréguliers. Il bondit violement, et durant une seconde, Saneday fut debout, ses mains saisirent le corps du loup et le projetèrent de l’autre côté, l’envoyant bouler au sol. L’instant d’après, l’ours était sur le loup, l’assommant d’énormes coups de pattes. Une dernière gifle l’envoya valser contre un arbre, où sa colonne vertébrale se brisa. Il chut de nouveau sur l’herbe, le sang s’écoulant avec la magie hors de sa carcasse désarticulée.
Saneday se retourna vers les jumeaux, et étouffa un grognement en voyant une marre de sang autour des couvertures. Il se mit à courir, constatant que le premier loup n’était pas mort durant son attaque surprise. Il s’approcha des jumeaux, terrifié à l’idée de ce qu’il allait découvrir. Les deux petits corps étaient devenus carmins sous l’averse de sang. L’un d’eux jouait avec une demi-mâchoire de loup, tandis que l’autre regardait leur protecteur avec bienveillance. Quelques mètres plus loin, leur dernier adversaire gisait au sol, le crâne défoncé. Saneday saisit le baluchon dans sa gueule, et poursuivit sa route vers les Bois Sombres, afin de confier les jumeaux aux Anciens.
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Space Shadow
Sanegay
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MessageSujet: Re: Adrana   Adrana Icon_minitimeMer 11 Fév - 18:52

Wow ! C’est vraiment hallucinant. Épique, passionnant et surtout, écrit de la main d’une fine plume.

Quand Anae m’a parlé de ce projet je me suis dit « à voir, mais ça m’émoustille pas plus que ça ».
Maintenant que j’en ai eu un avant-goût, je dois admettre que j’attends sa concrétisation avec impatience. Wink

Bravo !
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Grhyll
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Grhyll


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MessageSujet: :)   Adrana Icon_minitimeVen 13 Fév - 22:25

Merci Smile

J'ai écrit un peu moins d'une soixantaine de pages déjà, Adrana, Saneday et Brahu vont voir les Vampires à Oprane...
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Thielis
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Thielis


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MessageSujet: Re: Adrana   Adrana Icon_minitimeDim 15 Fév - 9:20

Décidément j'arrive pas à lire de longues histoires sur l'ordi... J'ai trop mal aux yeux avant :s Dsl Grhyll, mais t'inquiètes je vais imprimer tes textes pour les lire à tête reposée sur le papier ^^
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MessageSujet: Re: Adrana   Adrana Icon_minitimeDim 26 Avr - 18:47

Alors Thielis qu'en as tu pensé finalement?
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MessageSujet: Re: Adrana   Adrana Icon_minitimeMer 29 Avr - 16:38

Et bien j'en pennnnnnnnse quuuuuuuuue...

... que j'ai complètement zappé d'imprimer le texte depuis que j'ai posté sur ce topic... Rolling Eyes Mais ne t'inquiètes pas Anne, je le ferai un jour Surprised
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MessageSujet: Re: Adrana   Adrana Icon_minitime

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